Nous avons échangé avec Virginie Clève, experte en stratégie et marketing digital chez Largow, dans le cadre de notre projet visant à partager ce que les utilisateurs d’Oncrawl font en matière de SEO dans leur travail au quotidien.
Virginie Clève, experte SEO avant l’heure
“Je suis tombée dans le référencement par nécessité, en voulant référencer mon premier site internet en 1999.”
Avec plus de 20 ans d’expérience dans le secteur, elle a une très bonne connaissance du SEO et du marketing digital. Cependant, le début de son parcours professionnel est assez atypique et sa rencontre avec le SEO s’est faite un peu par hasard.
Oncrawl : Comment êtes-vous arrivée dans le SEO avec votre parcours assez particulier ?
Virginie : J’ai fait des études littéraires, la voie qui s’ouvrait devant moi était de devenir conservatrice de musée. Je me suis rendu compte qu’il y avait très peu de postes, qu’il allait falloir des années pour avoir le concours et qu’il existait même un risque de ne jamais l’avoir.
En outre, je me demandais si j’avais vraiment envie d’une carrière qui “bouge” si peu… Ensuite, lors d’un dîner, un ami a commencé à me parler d’un nouveau truc tout nouveau : Internet. Pourquoi ne pas tester quelque chose dans ce domaine ? Comme j’étais à cours d’idée sur mon orientation professionnelle, j’ai utilisé le contenu que j’avais pour un travail universitaire en cours afin de créer mon tout premier site. Et c’est comme cela que je me suis lancée.
Comprendre le SEO et le marketing digital dans tous les secteurs
Après plusieurs années à travailler en interne, Virginie est maintenant à la tête de sa propre entreprise où elle développe des stratégies digitales pour les sites d’e-commerce, de la culture et des médias.
Oncrawl : En quoi consiste votre travail actuellement ?
Virginie : Je précise que je ne suis pas une agence SEO. Je fais bien d’autres choses en développant des prestations en stratégie social media et stratégie digitale globale ou conception produit. Le SEO représente 30 à 40% de mon activité au maximum. En fait, je n’ai jamais été “que” SEO, j’ai toujours été avant tout, chef de projet. A mes débuts, mon objectif n’était pas de faire du SEO mais plutôt de référencer un site que j’avais créé. J’ai toujours eu de multiples casquettes, d’abord gestion de projet, ensuite du produit et marketing, avec en plus du SEO. Il y a presque 8 ans, j’ai créé ma propre agence et j’ai gardé les mêmes périmètres : la stratégie digitale au sens large avec de l’opérationnel sur certaines lignes d’expertise, dont le SEO fait partie.
Oncrawl : Vous avez travaillé pour plusieurs sites de médias. Pouvez-vous nous en dire plus de votre expérience ?
Virginie : Oui, j’ai travaillé pendant plusieurs années dans les médias : chez Prisma Media, puis au Figaro et à Radio France. Avec le temps, je suis arrivée à des postes de direction où je gérais l’ensemble du produit et du marketing.
Une vraie spécificité des sites médias, et en particulier en SEO, c’est le volume de contenu. En référencement, souvent le problème c’est que nous n’avons pas assez de contenu. Et là, avec les sites médias c’est le contraire, nous en avons beaucoup trop ! Les sites sont gigantesques avec des millions d’URLs.
C’est là où les outils d’Oncrawl sont particulièrement intéressants pour moi. J’utilise beaucoup la segmentation par année de publication pour voir quels sont les contenus encore actifs et quel est leur pourcentage par année de publication. Avec cette capacité à faire de la segmentation, nous avons l’opportunité de faire des analyses plutôt fines et ainsi de pas appliquer bêtement des règles SEO génériques. J’utilise Oncrawl pour tous mes clients SEO actuels, et particulièrement pour les sites médias, afin de réaliser des “crawl-over-crawl”. Ce sont des sites qui évoluent beaucoup et rapidement et c’est très important de voir ce qui a changé d’une fois sur l’autre. L’analyse des logs est aussi extrêmement importante pour ce genre de site.
Oncrawl : Au cours de ces dernières années, est-ce qu’il y a un projet sur lequel vous avez travaillé dont vous êtes particulièrement fière ?
Virginie : Le projet dont je suis le plus fière c’est La Tour Eiffel, parce que c’est le résultat d’un travail effectué dans une confiance totale. La Directrice Marketing, Stéphanie Renault, a fait appel à moi avant même de concevoir son site, donc j’ai pu participer à toutes les phases de conception. Le résultat : l’audience du site a été multiplié par 3,5. Je n’imaginais même pas qu’on puisse obtenir un succès pareil.
Par ailleurs, c’était un travail absolument passionnant sur un site tout petit en volume par rapport à ceux dont j’ai l’habitude de m’occuper ; c’est un site de moins de mille pages. Mais qui fait un trafic énorme. C’est aussi un site sur lequel j’ai fait de la “haute couture”, c’est-à-dire qu’on a travaillé page à page pour faire vraiment du “fine tuning”.
Nous continuons à collaborer dans une harmonie totale. Je travaille avec eux comme si je faisais partie de l’équipe. Il n’y a pas cette relation client/prestataire rigide qu’on peut rencontrer parfois quand on est une agence, et toutes les évolutions du site sont conçues ensemble.
Les clés du SEO Technique du point de vue d’une experte
“À l’époque où j’ai commencé à faire du référencement, j’ai appris les bases pour construire un site, qui sont d’ailleurs toujours les bonnes : d’abord du bon contenu, une bonne architecture, une bonne réflexion et surtout pas des trucs et astuces.”
Oncrawl : Est-ce qu’il y a des thématiques qui reviennent énormément pour vos clients et sur lesquelles vous testez des choses ?
Virginie : Depuis la pandémie, les projets courts ont disparu. J’y vois un changement fondamental. On est passé à beaucoup plus de travail de fond. Il y a un souhait de construire pour l’avenir, donc le temps et les moyens sont présents. Il y aussi énormément de refontes de sites internet qui modifient l’architecture de l’information, avec potentiellement un accompagnement en UX, et il y a aussi beaucoup plus d’anticipation qu’avant. Chez mes clients, on travaille aussi beaucoup sur Google Discover, pour lequel j’ai une niche d’expertise assez rare.
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Oncrawl : Quel est l’aspect le plus challengeant et/ou complexe pour vous quand il s’agit du SEO Technique ?
Virginie : Le plus compliqué pour moi c’est quand on se retrouve face à des développeurs qui n’ont jamais fait de SEO ou qui n’ont jamais fait face à des problèmes SEO de leur vie professionnelle. Pour leur apprendre à le faire, il faut une vraie montée en compétences. Certains sont intéressés, mais d’autres, pas du tout. Cela devient encore plus compliqué quand on est sur un projet de refonte où le timing est assez serré, il faut donc arriver à embarquer les gens autrement.
Le SEO demande une mise à jour des connaissances constante, et par conséquent, la veille est absolument considérable : au minimum 1h à 1h30 par jour pour moi. De plus, la complexité technique croissante est aussi une difficulté. Dans certains cas, on se retrouve à faire presque du développement comme c’est le cas pour la web performance, les techno “full JS” et l’administration système, qui ne sont pas notre métier. Même si j’ai quand même un profil technique, je ne suis quand-même pas développeuse. Mais si on veut que les projets avancent, on est obligé de gérer cela aussi.
Oncrawl : Comment faites-vous pour vos clients SEO qui attendent les résultats sur un timing précis ? Comment expliquer que le SEO n’est pas aussi automatique ?
Virginie : Il y a trois leviers sur lesquels j’appuie : la franchise, l’évangélisation et la data. En premier, la franchise : dire toujours la vérité. Je pars toujours du principe que quand je ne sais pas, je dois le dire. Dans un monde si mouvant, je pense qu’une grande transparence et la franchise sont les clés de la confiance.
Ensuite, l’analyse. On montre ce qu’on a analysé de la manière la plus claire et visuelle possible, on illustre,et on explique pourquoi on n’a pas de résultat.
Souvent, on sait pourquoi on a baissé mais on ne sait pas toujours dire comment on va remonter et surtout quand, car les algos de Google sont de plus en plus difficiles à décrypter. Donc il y a beaucoup d’évangélisation à faire dès le début de la prestation et surtout quand tout va bien. Expliquer comment marche le SEO et quelles sont les grandes orientations de Google, c’est indispensable. Il faut effectuer un maximum de transfert de compétence. Plus le client sera compétent et meilleurs seront les résultats. Ce n’est pas un risque pour une agence que son client soit formé au SEO : c’est en fait une opportunité d’aller encore plus loin.
Avec mes clients à long terme, ça m’est déjà arrivé lors d’une baisse d’audience de leur dire qu’il faut patienter, que je ne sais pas exactement quand ça va remonter mais que je sais qu’on va y arriver. Comme le travail a été bien fait, au bout d’un moment on y arrive et à ce moment-là, la confiance se fait totalement.
Le futur du SEO
Le SEO est un secteur qui ne cesse pas d’évoluer et ça nécessite un apprentissage en continu. Virginie a quelques idées pour l’avenir proche et ce qui se prépare.
Oncrawl : A votre avis, quels seront les principaux challenges des référenceurs de demain ?
Virginie : Pour les plus jeunes qui sortent de l’école, il y a énormément de connaissances à acquérir pour faire du SEO : du produit, du marketing, du projet, de l’administrateur système, du développement, de l’UX, de la data… Il faut presque être web analyste dans certains cas, en plus du vrai métier de référencement pur. Ils vont souvent être en face de développeurs qui s’attendent à ce qu’ils soient presque dev aussi, avec des marketers qui s’attendent à ce qu’on parle leur langue, à des responsables produit qui ont besoin que l’on s’intègre dans le flux de conception produit. Demain, je trouve que ça sera le premier challenge des référenceurs : être multi cartes.
Oncrawl : Si il y avait un aspect du SEO sur lequel vous pourriez travailler encore plus en détail en ce moment, ça serait lequel ?
Virginie : Le croisement des données ! Je pense que c’est très important de nourrir un maximum des données de log et de crawl avec d’autres données externes liées à la conversion, au chiffre d’affaires, aux nombres de pages par visite, au temps passé etc. pour faire du SEO rentable et profitable. En fait, quand j’ai démarré, je faisais du SEO au kilo, l’objectif était de faire de la visite et de la page vue. Il me semble que maintenant, nous sommes vraiment enfin en train de passer à l’étape d’après.
Prenons par exemple un site média : l’une de mes problématiques est d’essayer d’amener des visites SEO sur des pages qui doivent se transformer en prise d’abonnement. Qu’est-ce qui va permettre d’amener du trafic dont on sait (par rapport à la thématique, au type de contenu, à sa longueur, etc.) que par la suite on va le transformer en abonné ?
Pour trouver la réponse, on a besoin de croiser énormément de données : la longueur de l’article, potentiellement son auteur, sa date de publication, son heure de publication, son sujet, la longueur du titre, des données abonnés, des données de chiffre d’affaires… Il y a énormément de choses à croiser entre elles afin de bien répondre à cette question.
Je pense que les sujets d’avenir sont le SEO durable et profitable : durable en termes d’audience (la montée en qualité permanente) ; et profitable car il faut arriver à convertir. En tout cas, toute la dimension conversion arrive fortement dans le SEO en général, et plus seulement chez les e-commerçants. Afin de pouvoir aiguiller la stratégie d’acquisition, pouvoir croiser les données des différentes sources devient nécessaire.
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Oncrawl : Comme c’est assez rare d’avoir une femme dans ce milieu, auriez-vous des conseils à donner aux débutantes ?
Virginie : Le premier conseil que je donnerais c’est de créer un site en html from scratch, sans utiliser un wordpress dans un premier temps. Apprenez à faire du html “de base” parce que c’est indispensable. Cela vous permettra de comprendre le temps que cela prend et aussi comment ça marche. Je recommanderais à une débutante de pratiquer, de ne pas juste disposer d’un savoir encyclopédique mais plutôt de savoir à peu près faire tout ce qu’on demande aux développeurs, aux concepteurs produit, aux admin sys, etc., au moins d’une manière basique. Sinon, on n’est pas crédible et si on n’est pas crédible, on n’arrive pas à convaincre.
Les points à retenir de la discussion avec Virginie Clève
L’expérience de Virginie montre qu’un parcours spécifique n’est pas obligatoire pour commencer à faire du SEO. Il faut se montrer curieux et prêt à découvrir et essayer des choses soi-même.
Ensuite, faire du SEO nécessite parfois d’être prêt à effectuer un travail très varié. Les problématiques du SEO peuvent changer en fonction du secteur ou d’une entreprise à l’autre dans le même secteur. Il faut être capable de porter plusieurs casquettes et de pouvoir parler aux développeurs aussi facilement que vous pouvez parler aux marketeurs ou aux chefs de projet.
Finalement, il faut bien garder en tête que le SEO est un métier en constante évolution. C’est un apprentissage en continu. Virginie, même avec ses 20 ans d’expérience, passe un minimum de 1h par jour à étudier le marché et continue à apprendre.
Nous tenons à remercier Virginie Clève d’avoir pris le temps de nous parler et de partager son point de vue sur les problèmes quotidiens auxquels sont confrontés les SEOs du monde entier.