Encore un article sur ChatGPT. Vous vous en lassez ? Moi aussi, mais c’est devenu un sujet incontournable. Cette vague d’articles autour de l’intelligence artificielle dans la création de contenu en ligne n’est pas uniquement un effet de mode, elle illustre les questionnements des professionnels et du grand public.
Jusque-là, nous entendions surtout parler de l’IA au travers d’annonces un peu mystérieuses. Même si nous nous doutions bien que l’IA était déjà implantée dans de nombreuses solutions sur le marché, ChatGPT a littéralement montré aux non-initiés comment s’en servir… rapidement. Surtout, tout ce que fait ChatGPT est plausible.
Parmi les interrogations fréquentes, il y a celle de l’avenir des rédacteurs Web sur le marché du contenu en ligne. Par extension, les prestataires de services tels que les agences et les plateformes de mise en relation sont évidemment impactés. Pourquoi aurions-nous besoin d’un intermédiaire pour des contenus à faible valeur ajoutée si un outil d’IA réalise quelque chose de tout à fait plausible ?
Quand je parle de faible valeur ajoutée, je désigne tout contenu qui ne fait pas spécifiquement appel à de la créativité ou à de la vérification d’informations. Tout ce qui est de l’ordre de la pure description peut entrer dans cette catégorie, pourvu que les sources soient validées et le rendu contrôlé.
ChatGPT s’est imposé comme le maître du « good enough », les résultats sont toujours satisfaisants, mais jamais excellents. Tout ce que fait l’outil est assez convaincant pour nous donner le sentiment qu’il pourrait nous remplacer, en imitant et feintant ce que l’on voudrait voir.
Le fonctionnement de ChatGPT n’est pas sans rappeler la stratégie des enfants qui nous disent uniquement ce que nous souhaiterions entendre afin de nous faire plaisir, avant de dire la vérité.
Ainsi, si une solution « good enough» s’est présentée, quelles évolutions ChatGPT va-t-il imposer sur le marché de la production de contenu orienté SEO ?
État des lieux du marché de la rédaction Web
Pour un seul contenu en ligne, plusieurs professions interviennent. Les conséquences de l’arrivée de l’intelligence artificielle dans nos process sont aussi diversifiées qu’il existe de modèles économiques.
Certaines entreprises choisissent par exemple d’externaliser la production auprès de rédacteurs freelances afin de se concentrer sur la gestion de projet et le développement des affaires. D’autres préfèrent internaliser entièrement leurs ressources éditoriales comme cela peut être le cas d’agences ou d’annonceurs. Il existe aussi des structures hybrides en ce qui concerne la répartition des ressources rédactionnelles.
Ce sont des choix stratégiques pour une gestion optimisée de ses besoins selon son business model, ainsi qu’un positionnement sur le marché. Bien entendu, il serait trompeur de dire qu’un modèle est meilleur qu’un autre, chacun présente un revers de la médaille différent, qui lui est propre.
Les freelances sont par exemple indépendants par essence, mais présentent parfois moins de facilité à restructurer rapidement une offre ou pour se former promptement sur de nouvelles technologies.
Les plateformes de rédaction disposent de peu de ressources en interne, ce qui permet de réaliser des économies importantes. Ils sont néanmoins dépendants de leurs ressources externes auxquelles ils ne peuvent rien imposer. Le recrutement de rédacteurs en continu fait partie intégrante de l’activité.
Les agences peuvent tout à fait avoir une partie internalisée et une autre externalisée selon leurs besoins.
En ce qui concerne les annonceurs, disposer de ressources internes est très intéressant afin de cultiver une ligne éditoriale sur le long terme. Cependant la communication et l’acquisition n’étant pas forcément les métiers principaux de ces entreprises, elles font parfois le choix d’externaliser les tâches liées au content marketing : stratégie et/ou production.
Avec l’arrivée de ChatGPT, chacun des acteurs du marché est tenté de lui déléguer le plus de tâches possible. Le schéma le plus dystopique serait celui où une intelligence artificielle remplace entièrement un rédacteur. Cependant, je pense que c’est une vision relativement peu crédible si on tient compte de toutes les étapes nécessaires à la création d’un contenu abouti.
En réalité, la substitution totale du rédacteur humain par une IA est un scénario très improbable. Il s’avère beaucoup trop simple. Pour se faire une idée des changements apportés par l’IA dans la rédaction Web, tentons de partir d’un inventaire des étapes qui composent réellement la création du contenu pour le SEO.
En voici une première liste, sans doute pas exhaustive, mais qui illustre bien le fait que les choses ne sont pas aussi simples qu’on le souhaiterait.
|
Stratégie |
|
|
Rédaction |
|
|
Déploiement |
|
D’expérience, si un rédacteur ou une société prestataire propose moins de 3 de ces tâches dans ses services, alors il est facilement remplaçable : par une autre personne, une autre agence ou par l’IA.
Il n’est d’ailleurs pas rare que les prestataires ou rédacteurs in-house disposent d’une fiche de poste qui se résume à ces deux seuls éléments :
- Création du contenu selon une certaine ligne éditoriale,
- Relecture éditoriale.
Cela est d’autant plus vrai pour des contenus dits de faible valeur ajoutée, qui ne disposent pas d’un besoin de relecture approfondie car une erreur créerait un faible risque pour l’annonceur.
En fonction des périmètres définis entre le rédacteur et son client (employeur, chef de projet, client pour une prestation), alors la tâche « Contrôle qualité SEO (filtre anti duplication, KPI SEO, etc.) » peut même faire l’objet de l’intervention d’un tiers. Le rédacteur ne reçoit alors que quelques consignes pour revoir le contenu pour une optimisation plus précise a posteriori.
Quelles sont les capacités d’une IA pour remplacer un rédacteur ?
La capacité d’une intelligence artificielle pour se substituer au rédacteur, ou du moins à la majorité de ses attributions est largement conditionnée au fait de l’avoir convenablement entraînée. Dans ce cadre, ChatGPT présente des limites notamment par rapport au PlayGround OpenAI ou d’autres solutions avec lesquelles nous pouvons plus profondément plonger nos mains dans le cambouis.
Derrière une charte éditoriale, il y a en effet une série de règles à appliquer avec plus ou moins de souplesse. Dans certaines situations, le curseur de décision et le niveau de tolérance pour s’éloigner de la règle principale sont aussi des éléments à définir. Lorsque ces critères éditoriaux ne sont pas strictement écrits, ceci est compensé par l’expérience du copywriter : son bon jugement et sa créativité.
[Étude de cas] Identifier le contenu à optimiser en priorité
La rédaction Web n’est pas uniquement un hard skill
Le CV (idéal) d’un rédacteur présente la combinaison de multiples compétences avec une gymnastique cérébrale bien entraînée. Tiens, encore une fois cette histoire d’entraînement : tantôt c’est celui d’un cerveau organique, tantôt c’est celui d’une machine.
Aujourd’hui, ce qui me paraît le plus difficile, c’est d’automatiser les étapes de création qui sont le fruit d’un point de vue subjectif.
Pour une recherche d’informations par exemple :
| Tâches | Automatisables facilement |
|---|---|
| Recherche selon certaines requêtes sur un sujet | ✔️ |
| Sélection de la pertinence du corpus | Critères à définir et formaliser :
|
| Création d’une synthèse | ✔️ |
| Orientation du contenu selon un objectif marketing et une ligne éditorial |
|
Il est tout de même intéressant de noter le paradoxe chez une partie des professionnels commanditaires de contenus à sélectionner un rédacteur Web uniquement en fonction de son style d’écriture, tout en espérant le remplacer rapidement par une intelligence artificielle sans personnalité.
Là où la rédaction relève plutôt du soft skill, c’est en ce qui concerne l’ensemble des tâches qui font appel à notre bon jugement. Surtout lorsque les livrables sont des morceaux de textes soumis à interprétation.
Aujourd’hui, nous avons de fortes chances à parier que des IA basées sur GPT-3, GPT3.5, GPT-4, Jarvis, Jurassic-2 ou (presque) n’importe quoi d’autre… soient de bien meilleurs rédacteurs qu’un être humain. Mais ceci au sens le plus strict du terme : une bonne rédaction avec une belle syntaxe et sans faute.
Dans de nombreux cas, c’est sûrement bien suffisant. Quand je consulte les notices d’utilisation en plusieurs langues pour des appareils électroniques sans queue ni tête, je ne doute pas qu’un niveau « suffisant » soit largement satisfaisant pour une partie de la demande.
Sur quels aspects de la rédaction Web pouvons-nous faire des économies grâce à l’intelligence artificielle ?
Heureusement ou malheureusement, ChatGPT est encore loin de pouvoir se substituer en totalité à une équipe de professionnels faits de chair et d’os.
Cependant, identifier toutes les tâches qui composent un projet favorise l’automatisation d’une partie de celui-ci. Cela permet aussi de connaître les éléments à laisser aux humains pour profiter pleinement de la matière grise humaine.
Mais il est vrai que plus le projet éditorial est complexe et exigeant, moins une automatisation complète semble possible.
Or, l’automatisation se révèle être une excellente opportunité pour :
- monter en échelle pour produire du contenu plus rapidement,
- simplifier les tâches de mise au format favorisant une intégration plus rapide,
- réaliser des recherches préliminaires très rapidement autour d’une thématique choisie
- automatiser la création de contenus dans des formats très spécifiques comme des listes ou des tableaux.
On pourrait alors imaginer un remplacement au moins partiel des rédacteurs comme étant une réalité. Les pratiques tarifaires et surtout les sommes prêtes à être dépensées par la demande évoluent déjà.
Afin d’utiliser l’intelligence artificielle et amortir le coût des licences, un long temps passé en spécification des besoins et en entraînement du robot demeure inévitable. Entre le coût des solutions, des API, et le potentiel recrutement d’un «prompt engineer » ou juste du temps pour s’y intéresser suffisamment, le jeu doit en valoir la chandelle.
L’avènement d’une nouvelle forme de transformation numérique
L’intelligence artificielle en 2023 semble annoncer les prémices d’un nouveau phénomène de transformation numérique. Nous assistons à une mécanisation des tâches intellectuelles à faible valeur ajoutée. Mais l’avènement des calculatrices et des ordinateurs n’ont-ils pas opéré la même chose avec une partie des ingénieurs chargés principalement des calculs, il y a à peine quelques décennies ?
Alors oui, ChatGPT et toutes les solutions d’IA transforment le marché de la rédaction de contenu orienté SEO. Tandis qu’une part des acteurs créateurs de textes à faible valeur ajoutée risque rapidement de devenir encore moins chère grâce à des économies d’échelle, une autre part du secteur verra sans aucun doute une nette augmentation de leurs tarifs. Charge à ceux qui souhaitent tirer leur épingle du jeu de mettre en avant leur savoir-faire et leurs compétences, pas forcément avec 0 % d’IA.
